JEMIMA KESSIE
Communication et médias : la nouvelle génération
A l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, nous avons le privilège d’interviewer Jemima Kessié. Elle incarne la nouvelle génération d’activisme au service du développement. C’est une étoile montante du journalisme et de la communication qui fait du numérique son champ de prédilection. Journaliste-reporter puis Secrétaire de rédaction au quotidien Abidjan Soir, Chargée de communication à l’Institut Africain des Médias, Secrétaire Générale et Responsable Communication au sein de la fondation Croire Côte d’Ivoire. Son expertise dans ces domaines trace le chemin d’une une voix influente avec qui le paysage médiatique et numérique ivoirien devrait compter. Par son activisme sur le terrain de l’engagement citoyen, Jemima Kessié porte aussi la cause de l’égalité du genre et de la promotion des droits des femmes.
Dans cette interview, nous allons explorer son parcours professionnel, son point de vue sur les défis auxquels sont confrontées les femmes en Côte d’Ivoire, ainsi que ses initiatives pour l’autonomisation des femmes et la réalisation de l’égalité des sexes en Côte d’Ivoire.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel en tant que journaliste et des expériences marquantes que vous avez eues jusqu’à présent ?
Avant le journalisme, j’ai suivi une formation en marketing à l’issue de laquelle j’ai obtenu la licence. Et j’ai décidé de me réorienter en journalisme parce que je commençais à être une passionnée de l’info. La vraie info. Je me suis inscrite à l’Institut Africain des Médias où j’ai suivi des formations en écriture web et en pratiques journalistiques. J’ai ensuite intégré la rédaction d’Abidjan Soir, un journal en ligne, où j’ai pu mettre en pratique ce que j’apprenais.
Mes expériences les plus marquantes ont eu lieu durant les périodes d’apprentissage. Avec mes confrères, nous avions la chance de suivre des cours théoriques et pratiques sur le terrain. En 2021, les élections législatives et le décès de l’ancien Premier ministre Hamed Bakayoko faisaient l’actualité. En rédaction, on passait nos premières nuits blanches et nos veillées à écrire. Je découvrais dans ces moments-là l’univers passionnant du journalisme.
Au quotidien Abidjan Soir, quel est votre rôle principal et quelles sont les thématiques que vous privilégiez dans vos reportages ?
Je suis passée de rédactrice au poste de secrétaire de rédaction. Auparavant, j’étais tout simplement axée sur la rédaction d’articles. Aujourd’hui, mon rôle consiste à faire ce qu’on appelle de l’édition : relire, corriger et valider les sujets avant de les transmettre au rédacteur en chef pour publication.
Nos articles traitent de l’actualité ivoirienne et abidjanaise, en plaçant la population au cœur de notre démarche. Chez nous, c’est essentiel d’être sur le terrain, de parler aux gens, de recueillir leurs témoignages et de vivre avec eux leurs ressentis face aux différentes situations qu’ils traversent.
Vous êtes également Chargée de communication à l’Institut Africain des Médias. Comment voyez-vous l’impact des médias sur la promotion des droits des femmes en Afrique ?
Par la force de la technologie, les médias jouent aujourd’hui un rôle crucial dans la vulgarisation des textes de lois relatifs aux droits des femmes. Aujourd’hui, de plus en plus, grâce aux médias, les jeunes filles et les femmes ont accès à des espaces de rencontre et d’échange où elles peuvent discuter des sujets qui les touchent et penser à ce qui les rendrait plus heureuses, investies et autonomes. Je pense que c’est une véritable porte d’entrée vers la sensibilisation et l’information, permettant de briser les règles traditionnelles discriminatoires et de faire évoluer les mentalités des temps anciens.
En tant que Responsable Communication, quelles sont les stratégies que vous mettez en place pour sensibiliser le public aux questions relatives aux droits des femmes et à l’égalité des genres ?
Les moyens les plus surs pour se faire entendre doivent consister au déploiement des actions de sensibilisation ciblées et inclusives. L’éducation et l’information sont pour moi les piliers fondamentaux de nos engagements. Il faut mettre en priorité des ateliers de formation, des séances d’aide et d’écoute active, mais également inculquer la culture du respect mutuel autant chez la femme que chez l’homme.
En votre titre de Secrétaire Générale Adjointe de la fondation Croire Côte d’Ivoire, pouvez-vous nous en dire plus sur les actions menées par votre organisation pour promouvoir les droits des femmes en Côte d’Ivoire ?
A la fondation, nos activités tournent autour de 5 axes d’intervention: l’éducation et le civisme, la santé, l’entrepreneuriat et les femmes, le sport et la culture et puis la gouvernance locale. Sur le volet des femmes, avec Israël Guébo, le président, la Fondation a mis en place le projet Alphabet Femme à Abobo. Grâce à ce programme, ce sont plus de 1000 femmes qui ont acquis les bases essentielles en lecture, en écriture et calcul entre 2022 et 2023.
Nous avons aussi participé à des tournées de sensibilisation dans les lycées et collèges à l’endroit des jeunes filles sur les risques liés aux grossesses et les inconvénients d’une vie sexuelle précoce et non planifiée.Pour encourager l’entrepreneuriat et travailler à l’amélioration des conditions de vie, nous avons mis en place le Fonds d’Appui aux Mamans, le FAM. Par de petites subventions, elles ont pu lancer et développer leurs propres projets entrepreneuriaux et créer une chaîne d’entraide et de survie.
Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels sont confrontées les femmes en Côte d’Ivoire aujourd’hui, et quelles solutions préconisez-vous pour les surmonter ?
En Côte d’Ivoire, les inégalités auxquels on fait face se manifestent dans l’accès limité à l’éducation, aux opportunités économiques et à la participation des femmes dans les sphères de décisions. Sur l’étendue du territoire, ce sont environ 47% des femmes qui ne savent ni lire, ni écrire. Plus de 5000 cas de violences basées sur le genre entre janvier et novembre 2023. On n’oublie pas les cas de violences domestiques et les mutilations génitales féminines. Il est donc encore nécessaire, voire urgent de renforcer les politiques et les lois favorisant l’égalité des sexes, de mettre en place des programmes éducatifs visant à éliminer les barrières d’accès pour les filles, et de promouvoir activement la participation des femmes dans tous les secteurs, notamment la politique et l’économie. Un peu plus haut, on l’a dit, sensibiliser la société pour changer les mentalités et éliminer les stéréotypes de genre pourra contribuer à créer un environnement propice à l’égalité. Il y’a de l’espoir si on collabore avec les acteurs du gouvernement, la société civile mais aussi les acteurs du secteur privé.
Comment envisagez-vous le rôle des médias dans la lutte pour l’égalité des sexes et la promotion des droits des femmes à l’échelle mondiale ?
La pluralité des médias en Côte d’Ivoire, la libéralisation récente de l’espace audiovisuel et l’essor des médias numériques sont une véritable opportunité en ce qui concerne la défense et la promotion des droits de la femme. Les médias sont des catalyseurs d’opinions et de perceptions, ils ont le pouvoir de façonner la société en influençant les normes culturelles, les attitudes et les comportements. Dans la diffusion de contenus par exemple, on doit pouvoir retrouver régulièrement les questions liées aux défis auxquels une femme est confrontée, en parler et sensibiliser. Il peut s’agir des violences basées sur le genre, des inégalités économiques, ou l’observation des sous-représentations des femmes dans divers domaines.
La représentation équitable des femmes dans les médias est essentielle. La diversité des expériences féminines devrait être reflétée dans les reportages, les émissions de télévision, les films, et autres formes de médias. Aussi dans la mise en lumière, il faut faire la promotion des femmes qui impactent en mettant en avant leurs réussites et leurs contributions dans tous les secteurs d’activités : Nous sommes des femmes en politique, en affaires, dans la culture et les médias. Et nous travaillons à inspirer, tracer la voie pour les générations futures et briser les barrières traditionnelles qui limitent nos ambitions.
Quels sont vos espoirs et aspirations pour l’avenir en ce qui concerne l’autonomisation des femmes et la réalisation de l’égalité des genres en Afrique ?
Je rêve d’une vie dans laquelle toutes les voix comptent. Celles des femmes, particulièrement. Une société dans laquelle on a le plus de femmes éduquées, le plus de femmes autonomes dans l’entrepreneuriat, l’administration, dans la vie économique et politique. Une société dans laquelle le rôle de la femme ne se cantonne pas à la cuisine et aux tâches ménagères. Une vie dans laquelle les femmes s’expriment librement et peuvent se vanter de participer au progrès et au développement de leur pays. Et je crois fermement qu’on peut construire cette chaine de valeurs et de principes.
Enfin, quel message souhaitez-vous transmettre à nos lecteurs à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes ?
S’il faut se souvenir qu’il existe des droits pour les femmes uniquement chaque 8 mars, faisons en sorte que cette journée retentisse tellement fort de sorte à ce que les actions d’un jour se décuplent et se pérennisent. Notre engagement pour des femmes épanouies et autonomes, notre combat. Le thème de l’année dit qu’il faut « investir en faveur des femmes » : accélérez le rythme !